BORDEAUX 1982
14 mars 2002
Lausanne Palace
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CHATEAU LAFLEUR 1982 (****)
Couleur rouge-rubis, avec le disque légèrement tuilé. Nez intense de fruit
mûr, aspect iodé et style classique, une touche orangée nous laisse deviner
un vin bien prêt, si ce n’est déjà un peu fragile. En bouche, le vin est assez
gras et tendre, avec un fruité très agréable. En finale, l’acidité et les tannins
rehaussent le vin, sans toutefois le rendre tonique. Le vin est de grande
qualité et remarquablement élégant, mais il lui manque la splendeur que
l’on aurait voulu sur ce millésime que l’on sait exceptionnel. Cette bouteille
semble en tous les cas ne plus pouvoir s’améliorer. Mais en l’instant, il faut
aussi avouer que d’en boire relève d’un intense plaisir.
CHATEAU LE PIN 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis intense et profond, avec le disque légèrement tuilé.
Le caractère Merlot ressort bien au nez, avec beaucoup d’ampleur et de
volume. La touche cuir-animal n’empêche pas de l’élégance.
Le vin est marqué par un énorme gras qui perdure en finale. Le fruit est
mûr au point de donner une agréable sensation de douceur. Une touche
iodée le rend un peu plus classique. Mais l’ensemble est particulièrement
voluptueux, rappelant bien que 1982 fut une année de grande
maturité. Le volume impressionnant ne gêne pas l’équilibre des
composantes. Ce Le Pin est un très grand vin qui semble déjà à un
niveau extrêmement élevé à l’heure actuelle. Mais on lui devine un
grand avenir.
PETRUS 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis profond. Au nez, c’est le Merlot dans toute sa
splendeur quand il est mûr à souhait. Epicé, racé et complexe, avec
un boisé noble. Le vin est gras et concentré, doté d’une finale ronde,
intense et vive. La densité est extraordinaire du début à la fin. Les
tannins sont forts mais enrobés par le fruit. Quand on parle du fameux
terroir de Pétrus, ce n’est pas en vain sur ce millésime. Ces qualités
énormes sont cependant encore en gestation, car on remarque que le
vin ne se donne pas pleinement. Il se différencie ainsi bien de ses
deux compagnons, Le Pin et Lafleur, qui semblent déjà bien ouverts.
CHATEAU CHEVAL BLANC 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis. Au nez, le fruit est si mûr qu’il fait penser au pruneau
noir, le boisé est vanillé et noble. Les composantes sont extrêmement
complexes, amples et élégantes. Mettre le nez sur le verre, c’est déjà
enivrant et sensuel! En bouche, la densité est superbe et le gras va
jusqu’à la suavité. Etonnamment, la finale dispose d’une bonne acidité
et de tannins bien présents. C’est un vin d’une nature extraordinaire,
qui donne un plaisir immense lorsqu’on en boit. Son avenir est toujours
un sujet de discussion, car il est vraiment rond et facile. Je base ma
réponse sur les autres grands millésimes du cru, tous de même style,
en disant qu’ils sont toujours bien vaillants des décennies après.
Pourquoi pas le 1982 ?
CHATEAU HAUT- BRION 1982 (***)
Couleur rouge-rubis brillant. Typique Haut-Brion par son caractère un
peu austère et fermé au départ. Touche cuir-animal, boisé pur et strict,
iodé et minéral, de la race. Il faut attendre assez longtemps pour que
l’ensemble se développe et signifie tout son potentiel. Le vin est suave
à l’attaque, mais les tannins durcissent la finale marquée par l’alcool.
L’ensemble n’est pas encore bien harmonieux, même si l’ouverture a
permis de deviner le grand potentiel de ce cru sur ce millésime. Son
caractère fort saura plaire aux habitués et aux amateurs de Haut-Brion.
CHATEAU LA MISSION HAUT-BRION 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis très profond et intense, tirant sur le noir. Le nez est
très puissant, beaucoup de fruits rouges jeunes et frais, la race est
extraordinaire. Quel sujet, quelle majesté! Le vin est concentré et riche,
de puissance inouïe. La trame est serrée et l’équilibre entre le fruit, l’acidité,
les tanins et le gras est fantastique. La vanille et les épices s’accordent
merveilleusement avec le fruit. L’alcool se ressent encore sur cet énorm
vin, car il est dans une phase d’extrême jeunesse. C’est un des seigneurs
du millésime, à n’en pas douter.
CHATEAU MARGAUX 1982 (***)
Couleur rouge-rubis profond. Nez de grande harmonie sur le fruit jeune
et le terroir, avec une touche iodée. On y ressent un suivi à tous les
niveaux. Le vin est très corsé et riche. Le fruit est concentré. Les tannins
et l’alcool raffermissent la finale de manière encore un peu stricte à
l’heure actuelle. C’est un magnifique Margaux assuré d’un bel avenir,
mais deviendra-t-il vraiment resplendissant ?
CHATEAU LEOVILLE-LASCASES 1982 (****)
Couleur la plus profonde, tirant sur le noir. Perfection du fruit au nez, dominé
par le cassis, côté fumé, réglissé, notes florales. Aspect étonnamment jeune
et frais au niveau de la récolte. Le vin est fin et racé, au fruit concentré, avec
des tanins et une acidité hors du commun, très long. Il est déroutant, car il
ne ressemble en rien à ce que l’on attend de ce millésime en ce qui concerne
la maturité du fruit conférant volume et rondeur. Là, le fruit est frais et vif,
sans aucune impression de haute maturité, comme si l’année climatique
avait été moins chaude. Il a encore un bon potentiel.
CHATEAU PICHON-LONGUEVILLE COMTESSE 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis intense. Concentré d’arômes en tous genres: fruit mûrs,
pruneau, cerise, boisé élégant, humus et sous-bois, très flatteur et
volumineux. Vin d’une onctuosité envoûtante, avec le glycérol qui dure de
l’attaque à la fin de l’énorme rétro-olfaction, la concentration est inouïe.
C’est un vin d’anthologie, très agréable à boire maintenant, et qui va durer
longtemps de par sa structure. La nature de base semble heureusement
avoir dominé tout autre aspect extérieur.
CHATEAU MOUTON-ROTHSCHILD 1982 (****)
Couleur rouge-rubis profond. Nez puissant et droit, beaucoup de force.
le fruit est intense et de maturité optimale, un peu uniforme cependant.
Le vin est riche et concentré, le Cabernet Sauvignon ressort de par la
fraîcheur de son acidité, le poivron rouge et les tanins très présents.
20 ans après sa récolte, ce vin devient prêt à boire et semble moins
massif qu’à ses débuts, ce qui est heureux. C’est un Mouton monumental,
caractérisé, comme d’habitude, plus par son style viril que par la
noblesse du terroir.
CHATEAU LATOUR 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis profond. Impressionnant de puissance et de race,
caractère marqué et fruit parfait, mûr et jeune à la fois. Une classe à
nulle autre pareille. Vin intense à tous les niveaux, avec une rondeur
extraordinaire et un fruit jeune qui persistent en bouche interminablement.
Les tanins sont parmi les plus nobles et soyeux qui soient, ils ne
durcissent pas, mais confèrent au vin une tenue incroyable, et pour très
longtemps à n’en pas douter. C’est un vin géant, digne des plus beaux
Latour. Et quand Latour est comme ça, on sait qu’il est presque
insurclassable.
CHATEAU LAFITE-ROTHSCHILD 1982 (*****)
Couleur rouge-rubis, avec le disque légèrement tuilé. Au nez, la noblesse
est exactement celle que l’on attend de ce cru dans les plus grands
millésimes. Le fameux bois de cèdre s’y ressent, avec un fruit parfait et
dense dans ses arômes, sans lourdeur bien que d’une concentration
extraordinaire. La bouche est aussi très concentrée et riche, plus que
d’habitude chez Lafite. Les tannins fabuleux sont là pour donner la
noblesse et la structure à l’ensemble d’une grande perfection. Le gras
accompagne le fruit et les tanins à tout moment. Malgré des qualités
bien développées, ce merveilleux Lafite est encore loin de son apogée.
CONSIDERATIONS GENERALES
* Cette dégustation fut dans son ensemble enthousiasmante, grâce au très haut niveau des
vins. Le choix s’était porté pratiquement sur tout ce qui est considéré comme le meilleur du
millésime 1982.
* On a pu distinguer les différences de provenances:
– Les Pomerol ont confirmé leur style élégant, riche et velouté, se montrant déjà fort prêts à
boire. Le Pin est un exemple du genre en ce moment. Le Petrus pourrait, par contre,
s’afficher comme l’exception en sa commune, pour ce millésime en tout cas: il démontre un
beau potentiel de vieillissement, mais cela est connu et habituel.
– Le Cheval Blanc, dans ses grands millésimes, est marqué par des fruits extrêmement
mûrs à la récolte, donnant un vin velouté et rond, parfois jusqu’au sucre. Il est toujours
sensuel et exubérant. Il peut paraître tendre et faire douter de son aptitude à vieillir.
Hors, 1947 ou 1949 sont toujours fabuleux…
– Les Graves ont un aspect plus austère et un terroir subtil, difficile d’approche. Le temps
est leur meilleur avocat. Haut-Brion et Mission démontrent tour à tour des qualités
immenses et des potentiels énormes selon les millésimes: pour 1982, Mission est un monument.
– Le Médoc présente des vins de terroir, s’exprimant de manière magistrale sur ce millésime.
On entre dans un intense moment d’émotion lorsqu’on boit Latour ou Lafite. C’est le rêve!
La classe des ces deux vins est pratiquement incomparable. De plus, le potentiel de
vieillissement est là. Pichon Lalande, tout aussi impressionnant, est du style de
Cheval Blanc par son onctuosité et sa richesse. Léoville-Lascases, tout grand sujet,
semble en-dehors de la famille 1982 par son aspect jeune et vif.
* Nous basant sur ces 12 vins, on peut dire que 1982 confirme tout le bien que l’on en a dit dès
le début. La récolte, extrêmement mûre et de fameuse qualité, se ressent à la dégustation.
Beaucoup ont toujours été agréables à boire. Les meilleurs sont des merveilles, et pour des
années, je le crois. Auront-ils la même tenue que les 1961, 1945…? Il ne m’apparaît pas
nécessaire d’en débattre maintenant. Attendons.
* Dans la littérature, il est indiqué que l’oenologie dite « moderne » est amorcée vers 1955.
Pour moi, 1961 est l’exemple le plus parfait du début de cette période, et 1982 l’exemple le plus
parfait de la fin de cette période. Par après, l’oenologie a passé à un stade « technologique »
permettant à l’éleveur de diriger selon son envie (ou l’envie des grands dégustateurs mondiaux),
le parcours du vin. La différence se remarque de manière concrète sur les points suivants:
– Les couleurs des vins dégustés étaient toutes d’un magnifique rouge-rubis très nature, et
marquées par leurs 20 ans. La couleur des millésimes plus récents tire résolument sur le noir.
– La nature de base et le terroir s’expriment naturellement sur chaque vin, créant une
vraie émotion gustative. Les nouveaux millésimes sont dominés par la vinification.
* Cette soirée a renforcé ma propension à considérer 1982 comme le meilleur
millésime depuis le célèbre 1961.
Un Château d’Yquem 1982 fut aussi dégusté pour conclure ce tour
d’horizon génial.
Plus le temps passe, plus il s’affirme comme un grand millésime.
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un Yquem 1982 fut aussi dégusté pour conclure ce tour d’horizon génial |