LE FABULEUX MILLESIME
EN MAGNUMS
4 juin 2004 / Lausanne Palace
__________________________________________________
Pour toutes les photos de ce site
__________________________________________________
CHÂTEAU MARGAUX 1961 (****)
Couleur rouge-rubis à peine bruni sur le disque.
Au départ, nez de fruits compotés, sur le pruneau, avec un aspect un peu
fermé et phénolé.
Notes de fougère.
A l’ouverture, cette forte personnalité s’assagit et devient plus jeune dans le fruit.
Vin de velours à l’attaque avec un fruit consistant et lisse.
Durant toute l’évolution, la densité ne se relâche pas et continue en finale sur des
tannins nobles accompagnés par une acidité soutenue.
La structure est remarquable, mais le vin est moins corpulent que ce que l’on aurait
pu attendre d’un 1961.
L’harmonie et l’équilibre sont ses principaux atouts.
Extrêmement agréable en ce moment, il est certainement au sommet de sa gloire.
En tous les cas pour ce flacon.
CHÂTEAU LAFLEUR 1961 (****)
Couleur rouge-rubis limpide et brillant.
Nez très pur de fruits rouges en pleine jeunesse.
Semble un peu simple.
Aucun arôme tertiaire n’apparaît.
Des aspects un peu « réduits » ou « râfleux » ont gêné certains dégustateurs.
D’autres ont retrouvé le type parfait du Lafleur.
Le vin est concentré et long, mais manque de volume, pour l’instant en tous les cas.
Les tannins, ainsi que le boisé fumé et réglissé, semblent ne pas être encore fondus.
Vin déroutant, loin du style exubérant des Pomerol.
Certainement à attendre encore.
CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1961 (*****)
Superbe couleur rouge sombre et dense.
Au nez: une dentelle voluptueuse.
Le fruit est développé à l’extrême, on le devine parfait de récolte avec une
densité impressionnante.
Le vin est admirablement sensuel et suave.
Le fruit à mâcher tire sur la cerise noire avec un glycérol onctueux qui pourrait se
confondre avec du sucre.
Même si tout semble d’une maturité extrême, l’âge n’atteint pas ce délire de plaisir.
La longueur est interminable.
De plus, après ce déferlement de vagues fruitées et onctueuses sur la langue,
le palais redevient frais.
Un parent proche du célèbre 1947.
Un magnum parfait.
CHÂTEAU LATOUR A POMEROL 1961 (****)
Couleur rouge dense profond, sans vieillissement.
Nez de grand Porto. Très puissant et ample.
Cerise noire, myrtille.
Une masse gigantesque, mais civilisée, en début de carrière.
Vin imposant d’une densité extrême.
La plantureuse chair du fruit réussit à ensorceler le palais malgré des tannins
affolants et un alcool élevé.
La structure au sommet de ce qu’a pu donner un 1961.
Finale sur de l’Eau-de-Vie de gentiane, très vigoureuse et interminable.
Un vin incroyable, un géant totalement extravagant.
A coup sûr, un des plus grands vins jamais faits à Bordeaux.
PETRUS 1961 (*****)
Couleur rouge dense et éclatant.
Nez de grand Porto fin et noble. Elégance rare.
Fruits sur mûrs sans lourdeur, caramel, nougat.
Une petite acidité volatile intensifie très positivement les arômes.
Vin rond et suave au possible.
De la dentelle de rêve.
La chair veloutée du fruit se marie admirablement avec de la vanille bourbon.
L’étonnante acidité de fin de bouche provient sûrement de l’acidité volatile perçue
au nez: que c’est plaisant!
L’époustouflante finale est une véritable réjouissance.
Un vin extraordinaire maintenant, mais qui continuera de déployer ses charmes
encore longtemps.
CHÂTEAU MOUTON-ROTHSCHILD 1961 (?)
Couleur rouge-rubis, malheureusement un peu trouble.
Nez de fruits mûrs, assez évolués.
Aspects phénolés.
Les arômes tertiaires sont fortement développés.
A l’ouverture, il devient un peu plus élégant.
Vin délicat et agréable.
Une certaine race.
Acidité étonnante en finale.
Ce magnum, bien que remarquable, semble ne pas s’exprimer parfaitement.
CHÂTEAU HAUT-BRION 1961 (*****)
Couleur rouge éclatant.
Nez de vieux cuir et de vanille.
Combine des arômes tertiaires sur l’humus et les champignons avec des
fruits encore frais.
Beaucoup de race avec le terroir ciselé du cru.
Vin de grande structure sans puissance ni volume, mais fin et noble.
Le fruit est resté très jeune avec une acidité enrobée magnifiquement par le gras.
La complexité s’exprime après un long moment d’ouverture.
A attendre et à apprendre.
Un grand aristocrate que le terroir soutient au plus haut niveau.
Grand potentiel encore.
CHÂTEAU LA MISSION HAUT BRION 1961 (*****)
Couleur rouge-rubis dense et limpide.
Nez d’une amplitude extrême avec des fruits sur mûrs tirant sur le pruneau.
Caramel, crème fraîche, nougat, chocolat.
Tout est puissant en restant un plaisir sensuel.
Une étoile resplendissante.
Vin d’une grande onctuosité, très noble.
Les tannins sont si structurés qu’ils deviennent « granuleux »sur la langue.
L’équilibre est assuré par la concentration incroyable du fruit.
Le sommet de ce que peut donner un terroir.
Une personnalité marquante de grande classe.
Un géant, une anthologie.
CHÂTEAU LATOUR 1961 (*****)
Couleur rouge-rubis très limpide et dense.
Au nez: pur fruit rouge, comme si on était devant la cuve au début de
l’élevage: fraise, framboise…
La plus grande précision qui soit dans les arômes!
Le cerveau a de la peine à assimiler une telle jeunesse dans un vin de 43 ans.
Le vin est extraordinaire de potentialité et d’équilibre.
Sa constitution est colossale.
On retrouve en bouche la même pureté qu’au nez.
Toutes les composantes sont des pièces de joaillerie que l’artisan a assemblée
avec bonheur.
Un bijou encore dans son écrin.
Vin fabuleux dans une phase d’adolescence que le futur magnifiera pour donner
un géant.
CONCLUSIONS
Comment ne pas être enthousiasmé par de tels vins?
D’autant plus que les crus dégustés sont à coup sûr parmi les meilleurs.
La récolte 1961, tenue pour miraculeuse dès son plus jeune âge, n’a jamais cessé de confirmer.
Il me semble opportun de citer ici le Professeur Emile Peynaud concernant le retour fréquent de
l’expression « millésime du siècle ». Il dit: « Quant à moi, je ne connais qu’un millésime de mon siècle
oeuvre à la fois d’un climat exceptionnel et d’une technologie moderne: c’est le 1961… » Mais lorsqu’il
dit « mon siècle », il faut comprendre « mon époque ».
Il est évident qu’il met en valeur la grande année qu’il a vraiment suivie.
Cependant, il a absolument raison si l’on se réfère à la moyenne qualitative de l’ensemble du bordelais
dans ce millésime.
Le moment passé en compagnie de ces merveilles fut un instant privilégié et marquant.
Du début à la fin, l’extrême force et la perfection de ces crus ont donné une dimension magistrale à
cette soirée.
Margaux est un très grand vin, sans atteindre le sommet des meilleurs.
Lafleur est un cas spécial: les avis étaient partagés.
Cheval Blanc est incontestablement à inclure dans les grandes réussites du millésime et du cru.
Son fameux style expansif est toujours aussi ensorceleur.
Latour à Pomerol et Pétrus sont prodigieux. L’immense déploiement de leurs composantes
procure le grand plaisir. Latour à Pomerol était particulièrement saisissant.
On espère que le magnum de Mouton dégusté ne représente pas ce qu’il est réellement, car il
était tout simplement en-dessous de ce que l’on attendait.
Haut-Brion et Mission sont extraordinaires au niveau du terroir et de la personnalité.
Ils sont parfaits. Dans ce millésime, les amateurs qui donnent Haut-Brion comme le plus
féminin des deux ont entièrement raison.
Latour est un cas hors du commun en ce qui concerne le potentiel. Il fut plus impressionnant à ce
sujet qu’au niveau du plaisir procuré, car on sent qu’il ne déploie pas encore toutes ses capacités.
Il semble réellement avoir une aptitude de vieillissement aussi grande que le fameux 1945.
De manière générale, les grands 1961 sont tous capables de maintenir leurs qualités encore
une ou deux décennies, même si certains sont au sommet à l’heure actuelle.