VERTICALE HISTORIQUE
MADEIRA
de 1820 à 1720
1820 – 1819 – 1811 – 1805 – 1795
1790 – 1789 – 1779 – 1772 – 1764 – 1720
Restaurant Nobilis / Sion
26 septembre 2020
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Pour toutes les photos de ce site
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Madeira Bual, Blandy 1920 (*****)
En l’honneur de feu ma mère née en 1920
Couleur ambrée.
Nez pur, fin et élégant.
Note de caramel et de moka.
Très typé sur le rancio.
Vin rond et doux à l’attaque.
L’acidité volatile vivifie l’ensemble.
Très pur et propre.
L’alcool élevé le soutient positivement.
Note minérale-iodée en finale.
Très long.
Madeira Verdelho 1820 (*****)
Beethoven parvient à une surdité totale, mais il écrit encore des sonates.
Couleur ambre clair.
Nez typé sur le rancio avec une certaine délicatesse.
S’y trouve aussi un boisé de vieux tonneau. Mais, avec l’âge,
c’est comme si le vin s’était fondu dans le boisé et inversement.
Cela donne un style peu habituel, mais c’est très agréable.
Cru raffiné avec une petite douceur angélique.
L’ensemble est tout en délicatesse.
C’est un vin vivant qui nous parle: une nature sans fard.
Sa finale est soutenue par un bel aspect iodé ou salin.
Il est marqué plus par la subtilité que par la structure.
Madeira Royal Reserve, J. Dias 1819 (****)
Le peintre Géricault présente “le Radeau de la Méduse”
Couleur ambre foncé.
Nez très élégant sur les fruits mûrs.
Note de caramel, de chocolat, de cacao…
Vin rond et charnu.
Le velouté est accentué par une note de caramel déjà
ressentie à l’olfaction.
Tout est agréable du début à la fin.
J’aurais voulu un peu plus de dynamisme et de complexité,
mais l’ensemble est de haut niveau.
Madeira Malvasia Cândida 1811 (*****)
L’étiquette arrière comporte cette inscription en portugais:
“Vinho de Malvazia / Bebe pouco / E viverais com alegria”
que l’on peut traduire ainsi:
“Vin de Malvazia / Boire peu / Et vous vivrez avec joie”.
C’est l’année de la comète de Napoléon qui a donné
un millésime glorieux dans toute l’Europe.
Couleur ambre clair.
Nez pur et délicat avec toutes sortes de fruits confits (abricot, orange).
Au rancio parfait se rajoute une note iodée qui rappelle l’air marin.
En bouche, c’est un jus cristallin d’une grande pureté.
La fine douceur ne fait qu’enrober l’acidité et la minéralité.
La longueur est exceptionnelle malgré la délicatesse de l’ensemble.
Sujet de grande distinction.
Une merveille de subtilité.
Madeira Sercial Camara de Lobos, Roque Teixeira 1805 (*****)
L’étiquette indique “Camara de Lobos” qui est le village d’origine de ce cru, à 10 kilomètres
de Funchal. La contre étiquette indique une mise en bouteille en 1905 et une en 1980.
Je suppose que la mise en bouteilles depuis les tonneaux a eu lieu en 1905 et que l’on
a changé le bouchon en 1980.
Niccolo Paganini compose les extraordinaires 24 Caprices.
Couleur ambrée.
Au départ, les arômes sont marqués par un rancio un peu rustique.
Mais à l’ouverture, il devient très élégant.
Note camphrée très intéressante qui s’atténue à l’aération.
On y retrouve des fruits confits (reine-claude).
C’est très vivant.
Vin équilibré avec une douceur agréable.
On est sur la figue, la noix, le raisin de Corinthe.
C’est un jus plein de sensualité rehaussé par une acidité élevée.
Madeira Terrantez 1795
Companhia Vinicola da Madeira (*****)
C’est le début de la période appelée le Directoire, jusqu’en 1799.
Couleur ambrée.
Au nez, c’est une pure dentelle.
On dirait que l’on est devant le jus de la récolte.
On y trouve du raisin de Corinthe accompagné par une note iodée-marine.
Un aspect d’herbes macérées de grand Vermouth s’y rajoute.
C’est la grande classe.
Vin d’une harmonie exceptionnelle.
La sucrosité ne fait qu’enrober les composantes.
La densité est incroyable, même durant la persistance aromatique et gustative.
La longueur est interminable.
Madeira Terrantez 1790 (*****)
L’étiquette comporte le texte suivant en portugais: “As uvas de Terrantez
Nao as comas nem as des Para vinho deus as fez”. Le texte semble
manquer de mots, mais cela veut dire: ” Si vous avez des raisins Terrantez,
ne les mangez pas et ne les donnez pas, car Dieu les a faits pour le vin”.
Mozart décède en 1791 avant d’avoir achevé son fabuleux Requiem.
Couleur ambre foncé.
Au nez, c’est l’élégance-même.
Le rancio est exactement celui que j’aime dans les grands Madeira.
S’y rajoute une petite dose d’acidité volatile qui ne fait que de
rehausser les sensations.
On y trouve aussi ce fameux côté de “vieille chambre aristocratique”:
Le vin est un pur jus sensuel soutenu par une acidité élevée de citron vert.
Grande harmonie et longueur exceptionnelle.
Madeira Cama de Lobos 1789 (*****)
Cama de Lobos est le diminutif du village de Camara de Lobos,
lieu dont provient le raisin de ce cru (10 km de Funchal).
Le 5 mai 1789 semble constituer le début de la Révolution Française.
Couleur ambrée.
Au nez, c’est très complexe.
On est sur des notes de café, de tabac, de savane luxuriante,
de vanille et de tourbe.
Le vin possède un bel équilibre entre la douceur et l’acidité.
Les autres composantes semblent comme un peu désunies, mais
on est devant une personnalité marquante et attachante.
La finale présente une amertume positive et de l’iode.
Très long.
Madeira Reserva Velho 1779 (****)
Guerre d’Indépendance des Etats-Unis contre la Grande-Bretagne de 1775 – 1783
Couleur ambrée.
Arômes amples et élégants.
La complexité nous fait découvrir des notes de nougat, de Vermouth
de tabac, d’épices orientales et de menthe.
C’est une vraie nature.
La rondeur du vin est équilibrée par un aspect d’herbes macérées.
C’est très pur et fin.
On y trouve un étonnant mais agréable côté de cépage aromatique.
L’ensemble est peut-être un peu moins impressionnant que la moyenne.
Madeira Velho Terrantez 1772 (*****)
Le “T” marqué sur l’étiquette indique que c’est un Terrantez.
Ludwig Van Beethowen né en1770 et Napoléon en 1769
Couleur ambre clair.
Une personnalité hors norme s’affirme au nez.
A part les fruits confits et le rancio, on y ressent du café, de la cire
de parquet et de la terre noire humide comme dans les vieilles caves.
C’est marquant et prenant.
Le vin est riche et corsé avec une densité incroyable.
La petite douceur est plutôt un gras concentré qui a le bonheur de
compenser une acidité si élevée qu’elle devient quasi violente.
Mais quel plaisir cela procure!
C’est une folie baroque d’une grande vigueur et d’une longueur
exceptionnelle.
Un monument impérial qui ne satisfait pas nécessairement aux
rigueurs du technicien. Mais sa personnalité et ses qualités font
fi de ce genre de détail.
Madeira Malvazia 1764 (*****)
Décès du compositeur Jean-Philippe Rameau.
Couleur ambrée.
Arômes pâtissiers d’une grande ampleur.
On y ressent des fruits confits, du café, du thé refroidi et de la
cire de parquet.
Grande pureté.
Vin onctueux et volumineux.
La rondeur est compensée par une haute acidité.
L’harmonie est parfaite du début à la fin.
La finale est rafraîchie non seulement par l’acidité, mais aussi par
une remarquable amertume d’herbes macérées.
L’ensemble dégage une fantastique impression de perfection.
MADEIRA PATHER, BORGES
Vin légendaire, issu des caves privées de la famille Borges. A part quelques bouteilles
de 1715 Terrantez, c’est la plus ancienne de Madère qui existe. C’est probablement un
Moscatel, mais ce pourrait être un Bual. Le vin a été acheté par le grand-père de la famille
Borges (d’où “Pather”).
Henrique Menezes Borges a fondé le “H.M. Borges Madeira” en 1877, le gérant jusqu’à sa
mort en 1916. Selon la tradition des Borges, H.M. possédait cinq anciens Madères, dont ce 1720.
H.M. a refusé de vendre ces vins, les conservant comme des «vins de famille» à transmettre à
ses enfants. On sait peu de choses sur leur histoire avant l’achat par H.M. de ces vins en tonneau.
L’un des fils de H.M., Joao Maria, a suivi l’exemple de son père en refusant de vendre ces vins.
Au début des années 1930, il transféra les vins de barrique en dames-jeannes, où ils restèrent
jusqu’à sa mort en 1989. Le 13 février 1989, les vins furent mis en bouteille par le personnel de
H.M.Borges en présence de la famille Borges. Chacun des six enfants de Joao Maria a hérité
de 47 ou 48 bouteilles, ce qui représente une répartition équitable des cinq vins. Cette bouteille
de 1720 Pather faisait partie de l’héritage du fils de Joao Maria, Henrique Borges, qui l’a ensuite
fait couvrir avec de la cire noire ordinaire par la société Borges. Henrique a conservé cette
bouteille pendant plusieurs années dans sa maison de Funchal avant de la mettre sur le marché.
MADEIRA PATHER, BORGES 1720 (*****)
Bach compose, il a 35 ans.
Stradivari confectionne ses violons devenus mythiques.
Naissance de Anna-Maria Mozart, mère de Wolfgang Amadeus.
Couleur ambrée.
Le nez est tout de finesse, d’élégance et de complexité.
L’ aspect confit n’a rien de lourd, il y rajoute au plaisir.
Le rancio est parfait.
Le vin n’est qu’harmonie.
L’onctuosité sensuelle est rehaussée par une acidité vivifiante
qui réveille le palais.
Le rancio est là pour lui procurer un style royal.
L’alcool est porteur juste comme il faut pour procurer une grande
dimension à l’ensemble.
La finale est iodée et saline.
La longueur est impressionnante.
Un sujet fait pour l’éternité, une merveille!
CONCLUSIONS
– Cette dégustation est celle qui ne peut se produire qu’une fois dans une vie.
– Sa préparation a duré de nombreuses années.
– Tout a concouru pour en faire une réussite totale.
– Les bouteilles étaient toutes parfaites.
– Le Madeira a confirmé sa suprématie sans partage au niveau du potentiel de
vieillissement. Cette dégustation a démontré qu’il est capable, non seulement de tenir trois
siècles, mais aussi de s’améliorer même après deux siècles. On ressentait instinctivement
que toutes ces bouteilles seront encore exceptionnelles pour un siècle au moins.
– Les termes “madéré” ou “madérisation” sont souvent mal compris. On les utilise pour des
vins dégradés. Hors, les bouteilles dégustées n’étaient nullement diminuées par un aspect
madéré ou madérisé. Elles étaient marquées par le “rancio” qui est le terme à adopter pour
le Madeira de qualité. Aucun vin n’était diminué par une quelconque oxydation.
– Le niveau des crus présentés dépasse toute les espérances. Leurs qualités sont
époustouflantes. On peine à croire qu’un vin puisse être si grand à cet âge. Ce n’est pas
le fait du hasard d’un flacon qui a miraculeusement tenu le coup puisque toutes les bouteilles
présentaient le sommet de la qualité que l’amateur n’osait même pas entrevoir.
– On peut annoncer sans crainte qu’un Madeira atteint les qualités désirées après au moins
cent ans de développement. Qualités qui semblent pouvoir augmenter indéfiniment.
– Chaque cru possède ses propres caractéristiques en restant dans la ligne de ce que doit
être un Madeira.
– Donner des préférences est difficile. Du reste, les avis étaient partagés, mais tous
reconnaissaient la grandeur des crus. Neuf crus sur onze peuvent même être qualifiés
d’exceptionnels.
– Pour moi, si je dois en choisir un, c’est le MADEIRA VELHO TERRANTEZ 1772.
Mais ne pourra pas s’effacer non plus de ma mémoire le PATHER 1720. Celui-ci est
non seulement parfait à tous les niveaux, mais le fait d’être tricentenaire impressionne
de manière indélébile.
– Pour le renseignement: une bouteille de Madeira HP Barradas 1800 fut servie dans la série.
Mais, manifestement, il s’agissait d’un faux.