BORDEAUX ROUGE 1961: MILLESIME MYTHIQUE
Si l’on demande aux grands amateurs de Bordeaux quel est le meilleur millésime du 20ème siècle, les réponses qui reviennent régulièrement sont: 1982, 1961, 1959, 1947, 1945, 1929, 1928,… Cependant, 1961 est le plus souvent cité. Certainement à juste titre, car…
Le rendement faible augmente la qualité du vin. Hors, le froid intense de fin mai a provoqué une coulure exceptionnelle qui a diminué la récolte de 50 à 80%. Les rendements descendirent entre 10 et 15 hl/ha!
Le climat estival demeura extrêmement favorable jusqu’aux vendanges. Ce fut l’été le plus sec connu, avec des températures élevées. La récolte s’avéra donc très saine et très mûre.
Dès le début des vendanges, le 25 septembre, le bruit d’une récolte miraculeuse s’est répandu. Cela ne fut jamais démenti. Cette homogénéité qualitative se retrouva dans tous les terroirs, du plus petit au plus grand Château. Et c’est sur ce point que 1961 se démarque par rapport à n’importe quel autre millésime.
Parmi les millésimes qui ont fait glisser les “vins anciens” vers les “vins modernes”, 1961 est, à mon sens, l’exemple le plus parfait. Les millésimes plus vieux, comme 1929 ou 1945, ont une nature si présente qu’ils s’imposent plus par leur personnalité que par l’élégance et l’équilibre. Les millésimes plus récents, comme 1982 ou 1990, font suite au bouleversement technologique, et sont plus “civilisés”. L’avenir nous dira s’ils évolueront aussi bien que leurs aînés.
On sait que 1955 marque plus ou moins le début de l’oenologie moderne. Il faut aussi rajouter que le gel de l’hiver 1956 a provoqué le remplacement d’une partie du vignoble bordelais. L’encépagement a privilégié ensuite le Merlot. L’âge moyen des vignes a baissé, et le rendement augmenté. Ceci, allié à l’avènement de la vinification moderne, a fait dire à certains que, depuis 1955 – 1956, rien ne fut plus comme avant.
Entre ces deux périodes “ancienne” et “moderne”, 1961 représente bien un intermédiaire idéal. On travaille déjà avec plus d’hygiène, et on contrôle mieux la vinification, sans entrer dans l’excès. L’empreinte de la nature est encore bien présente.
Les vins de 1961 étaient, je pense, bons à boire dès le début. L’onctuosité, due à la richesse, devait d’emblée s’allier avec le fruit. Et ils sont toujours bons, car l’équilibre et la concentration sont les garants de la longévité. Sur un millésime si exceptionnel, le temps n’a que peu d’emprise.
Février 2001