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TENUTA SAN GUIDO
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La famille Incisa della Rocchetta est originaire de la Province d’Asti dans le Piémont. Etudiant à Pisa entre 1921 et 1925, le Marquis Mario Incisa della Rocchetta (1899 – 1983) retrouve dans un vin issu des proches vignes du Monte di Vecchiano le même inimitable bouquet qui l’avait impressionné dans un Bordeaux « à peine dégusté plutôt que bu » à l’âge de 14 ans dans la maison de son grand-père. Le rapprochement que le Marquis fait entre ces crus est à l’origine du futur Sassicaia: ils sont tous deux issus de Cabernet et âgés lorsqu’il les déguste. Quelques années plus tard, il s’achète quelques bouteilles de vin de « Margaux mis en bouteilles au Château » 1924 lui rappelant à nouveau fortement le vin bu à Pisa. Dès lors, Mario Incisa se fixe comme but de produire un jour un vin de ce style, avec la particularité de s’améliorer au vieillissement. Il épouse en 1930 la noble Clarice della Gherardesca qui lui apporte en dot le domaine de San Guido (2’700 ha) à Bolgheri en Toscane. Durant les années 1930 à 1935, sur son domaine de la Rocchetta dans le Piémont, il fait des essais réussis de vieillissement en pièces avec du Pinot Noir. Le projet d’élargir la production est mis à mal par la popularité grandissante du prolifique et robuste Barbera dans la région. Approfondissant ses connaissances avec les vins rouges français, il considère vite que le Cabernet est mieux adapté à la Toscane et plus proche du style du vin qui l’avait impressionné vers l’âge de 14 ans. |
Mario s’établit définitivement à Bolgheri en 1942. Il cherche une zone adaptée à ses futures expérimentations en tenant comptes de plusieurs paramètres: sol, altitude, exposition, vent et proximité de la mer. Il choisit un sol pauvre et caillouteux à 350 m. d’altitude avec une exposition sud-est (comme la Côte d’Or et le Médoc). Il plante alors 1’000 pieds (env. 1,5 ha) de Cabernet-Sauvignon et de Cabernet Franc provenant des vignes de Vecchiano qui avaient produit le fameux vin bu à Pisa.
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![]() La première vigne de Sassicaia avec vue sur le « Castilioncello » |
A l’époque le rendement ne dépasse pas 300 grammes de raisin alors que le Trebbiano habituel en produit environ 2 kilos! La récolte tout juste devenue vin fait l’unanimité des rares experts: « très mauvais ». Cette humiliation le pousse à oublier quelque peu le projet. Il met quand même chaque année de côté une certaine quantité de vin. Du Canaiolo pur du millésime 1945 fait aussi l’objet d’un essai. 100 bouteilles sont mises de côté. Mauvais au départ, le vin s’améliore fortement avec l’âge. C’est ainsi que le Marquis ressort timidement les bouteilles de Cabernet des premières années. Avec le temps chaque cru, millésime bon ou non, a développé les caractéristiques d’un grand vin. Il se rend compte que la récompense est enfin obtenue. C’est ainsi qu’en 1955, il porte le vignoble à 2,5 ha. Au début des années 1960, le grand connaisseur Gherardo della Gherardesca déguste les millésimes 1949 et 1950. Les commentaires sont enthousiastes! Mario décide cette fois-ci (en 1965) de rajouter deux vignobles de 12 ha chacun plantés à 100 m. d’altitude au lieu de 350. Le vin sert à la consommation « familiale » jusqu’au millésime 1967. |
![]() Ecriture de l’étiquette de 1967 (jamais commercialisé) |
La famille Incisa della Rocchetta n’a aucune expérience dans la commercialisation du vin. Les proches cousins de la fameuse famille Antinori signent une sorte d’agrément. Ils apportent leur séculaire expérience et leur professionnalisme pour diffuser le 1968, premier millésime produit officiellement à raison de 3’000 bouteilles (la contre-étiquette en indique 7’300). De plus, ils mettent le talent de leur génial oenologue Giacomo Tachis à disposition. Celui-ci s’inspire des méthodes françaises, dont l’élevage en barriques, et prône des rendements de 30 à 35 hl/ha. Le succès est immédiat. |
![]() Sigle de l’étiquette du Sassicaia 1968, utilisé pour ce seul millésime |
La suite est connue: ce premier « supertoscan » est aussi le premier vin italien à faire « officiellement » jeu égal avec les grands Bordeaux. De nombreuses dégustations internationales couronnent divers millésimes de Sassicaia. Son succès mondial rejaillit sur toute la Toscane. Le sommet est atteint avec le millésime 1985 (60’000 bouteilles) qui devient un mythe: dégusté à l’aveugle, il dépasse régulièrement les plus grands Bordeaux du même millésime. Les 1969 et 1973 n’ont pas été produits. La fructueuse collaboration avec les Antinori cesse avec le millésime 1982. Sassicaia est dès lors commercialisé par la Tenuta San Guido à Bolgheri. |
![]() Mario Incisa della Rocchetta (1899 – 1983) avec son fils Nicolò en 1982 |
La philosophie du domaine reste la même depuis le début, ce qui est pour le moins rassurant: on cherche depuis toujours à produire un vin d’élégance et d’équilibre, marqué par les particularités de chaque millésime, plutôt que de se plier aux dégustateurs internationaux en leur « fabriquant » année après année des vins « sur-extraits ». Le Sassicaia est né « vin de table », faute de législation. Il le restera jusqu’en 1994, année où la dénomination « Bolgheri Sassicaia Denominazione di Origine Controllata » officialisera l’appellation. En 1983, Nicolò Incisa della Rocchetta succède à Mario. Il suit avec un grand naturel la voie royale tracée par son père. |
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Le mot sassicaia est issu du mot « sasso » signifiant « caillou ». Les 55 ha actuels produisent environ 180’000 bouteilles l’an, composées de 85 % de Cabernet-Sauvignon et de 15 % de Cabernet Franc. |
Septembre 2010
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