VERTICALE
1988 – 1972 – 1957 – 1956 – 1949 – 1943 – 1920 – 1906 – 1857
Restaurant Nobilis / Sion
25 novembre 2023
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TOKAJI NEKTAR, MONYOK 1988 (*****)
(5%) Couleur légèrement ambrée.
Arômes très purs et fins, sur le caramel et le raisin de Corinthe.
Le vin est un jus concentré d’une énorme douceur, mais aussi avec
une acidité très élevée.
Le gras tapisse le palais tellement il est épais.
Le fruit part sur le confit d’abricot.
L’ensemble est impressionnant à tous les niveaux.
Longueur interminable.
TOKAJI ASZU 6 PUTTONYOS, OREMUS 1972 (****)
(12,5%) Couleur ambrée.
Arômes complexes: sucre candi, bourgeon de sapin, épices, herbes macérées, noix.
Le caractère est là, mais avec des tertiaires un peu rustiques.
Le vin est doux et équilibré. Note boisée avec du caramel, du Rhum, du Vermouth.
L’acidité rappelle l’acidulé des Riesling allemands. L’amertume finale rappelle la noix
des Vins Jaunes.
C’est assez spécial pour un Tokaji.
L’ensemble n’est pas des plus fins, peut-être à cause du bois de l’élevage.
TOKAJI ASZU 6 PUTTONYOS, MONYOK 1972 (*****)
(12%) Couleur assez ambrée.
Arômes très fins et délicats avec de beaux confits.
S’y rajoutent des notes de champignons de Paris, de caramel, de chocolat
et de poivre blanc.
Vin très doux mais harmonieux. Le gras ne marque pas trop le palais.
Belle acidité citronnée avec des écorces de mandarine.
C’est une soie fantastique.
Longueur interminable.
TOKAJI ASZU ESZENCIA, MONYOK 1972 (*****)
(8,5%) Couleur très ambrée.
Nez très vivant et dynamique.
On est sur du caramel, du raisin sec, du café et de la figue.
Une note florale sur la violette y rajoute de la complexité.
Vin très doux d’une densité incroyable. Le gras est comme serré par
une acidité qui affole les papilles pour leur plus grand plaisir.
C’est une acidité de citron vert qui rappelle les Riesling allemands.
Note de Maraschino.
La longueur est hors norme. Vin vivant, extraordinaire.
TOKAJI NATUR ESSENCIA, MONYOK 1972 (*****)
(8%) Couleur bien ambrée.
Arômes très complexes: écorce d’orange, pâte de fruits, nougat,
caramel, café.
Les tertiaires partent sur les champignons.
Vin très doux avec un gras épais, presque visqueux, dont l’acidité énorme
rafraîchit la finale.
La minéralité rappelle les Riesling allemands.
Notes de poire confite et de thé pu erh.
Finale interminable.
TOKAJI ASZU 6 PUTTONYOS, KERESKEDOHAZ MUZEALIS 1957 (?)
(12,5%) Couleur très ambrée.
Arômes très confits avec du sucre candi.
On y ressent comme du Vermouth.
Mais c’est marqué aussi par de la colle ou du plastique.
Cela entache manifestement les qualités olfactives et gustatives du vin.
J’attribue ce défaut au bouchon qui est recomposé et de très petite qualité.
TOKAJI ASZU 4 PUTTONYOS, KERESKEDOHAZ MUZEALIS 1956 (****)
(12,5%) Couleur très ambrée.
Arômes marqués par des tertiaires assez agréables: champignons, cave
humide, caramel, fumée.
On pourrait y ressentir la moisissure du cladosporium.
Vin doux sans exagération qui reste dynamique.
La corpulence est moyenne.
La finale est marquée par une amertume de thé refroidi qui a macéré.
L’ensemble est resté assez frais. On voudrait un peu plus de finesse.
TOKAJI ASZU 5 PUTTONYOS, KERESKEDOHAZ MUZEALIS 1949 (*****)
(13,5%) Couleur très ambrée.
Arôme élégants et complexes: nougat, chocolat au lait, pâte de fruits,
pruneau, eau-de-vie de framboise, champignons.
S’y rajoute une note boisée un peu fumée.
Vin très doux doté d’une amertume rafraîchissante d’herbes macérées
et d’iode.
Touche mentholée, mais aussi de camphre, ce qui n’a rien de négatif.
Très beau soutien acide. L’alcool élevé pour un Tokaji ne fait que de
rehausser les sensations.
TOKAJI MUSKOTALY, WINDISCHGRAETZ 1943 (****)
Couleur or bruni.
Au nez, on devine plutôt une récolte sur maturée que botrytisée.
On y ressent du caramel au lait, de la mandarine et de la framboise.
Cela fait aussi penser à de la barbe à papa.
Le vin est d’une douceur charmante, sans aucune lourdeur.
Le gras n’est pas épais et l’acidité y rajoute beaucoup de fraîcheur.
Il ne fait pas du tout son âge.
Sujet différent des autres Tokaji de par son style. Il se peut que cela soit
dû au cépage Muscat qui n’est cependant pas très identifiable.
TOKAJI ASZU 5 PUTTONYOS BARO MAILLOT NANDOR
URIBOROK 1920 (*****)
Couleur brunie un peu trouble.
Nez d’une finesse exceptionnelle, comme aérien. On y ressent du jus de
pomme concentré. L’âge est occulté.
Vin très doux et pur, d’une grande délicatesse. L’acidité de citron vert titille le palais.
Notes de bergamote avec de l’iode marqué qui rappelle la mer démontée ou
le coquillage écrasé.
Sujet très dynamique avec beaucoup de tension.
Longueur interminable. Vin extraordinaire.
TOKAJI ASZU ESZENCIA, KERESKEDOHAZ MUZEALIS 1906 (*****)
(13,5%) Belle couleur ambrée.
Le nez exprime la noblesse et la race. On devine instantanément un sujet
de grande dimension.
On y ressent de l’orange sanguine, de l’iode et des épices orientales.
Vin très concentré à tous les niveaux. L’attaque est marquée par du caramel
mou. C’est d’une agréable sensualité.
La douceur est immédiatement compensée par une acidité de citron vert
avec de l’iode et des écorces d’orange.
Le fruité est du pur jus d’orange sanguine.
Tout n’est que dynamisme et grandeur. Chaque qualité est un parangon de
ce qu’elle représente. C’est marquant au plus haut point. Une anthologie!
TOKAJI ASZU ESSZENCIA, KERESKEDOHAZ MUZEALIS 1857 (*****)
(13,%) Couleur ambre presque noir.
Arômes nobles. Notes de réglisse, de poire et de figues confites, d’iode…
On a réellement une sensation d’éternité: rien n’indique un âge quelconque.
Vin géant avec un gras épais qui réussit à ne présenter aucune sensation
de lourdeur. C’est à mâcher tellement la matière est concentrée: on dirait
que c’est devenu du balsamique.
On dit souvent que c’est l’acidité qui compense le gras et le sucre. Mais là,
on peut comme inverser et dire que c’est le glycérol qui tapisse littéralement
l’acidité très élevée.
Sujet extraordinaire.
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CONCLUSIONS
– cette dégustation fait partie des sommets que l’on puisse trouver.
La plupart des crus étaient exceptionnels.
– certaines bouteilles dont l’étiquette, souvent neuve, contient le mot “Muzealis”
ont été affublées d’un ridicule bouchon recomposé du plus bas de gamme.
Je pense que c’est ce qui a détérioré les qualités évidentes du 1957.
– comme souvent, les plus anciens ont été les plus marquants: 1920, 1906 et 1857.
Ces derniers ont des concentrations extrêmes, mais gardent une buvabilité que les
plus jeunes n’ont pas. En remontant dans le temps comme nous l’avons fait, on se
prend à penser que les mythiques 1972 sont encore bien trop jeunes face aux
géants plus anciens.
– Cette dégustation me renforce dans l’idée que les Tokaji d’avant le communisme
ont des qualités que les vins de notre époque auront de la peine à égaler.
Je pense la même chose du fameux Château d’Yquem: avant 1950 et surtout
au 19ème siècle, les vins ont une autre dimension.
– les dernières réglementations adoptées (sous quelles influences?) ne pourront
qu’être négatives pour l’ensemble de la production des Tokaji. En effet, on ne garde
que des “Tokaji Aszu”, on uniformise le sucre résiduel à un minimum de 120 gr/l, et
on n’élève le vin que durant deux ans. La diversification des vins en plusieurs
catégories et les élevages prolongés qui disparaissent vont faire perdre aux Tokaji
leur typicité et leur formidable aura mondiale. La standardisation en sera le résultat
malheureux. J’espère de tout coeur me tromper en disant que je crains
une “sauternisation” du Tokaji.
– j’ai beaucoup aimé le TOKAJI NEKTAR, MONYOK 1988. Il est déjà fantastique,
mais il faudrait pouvoir encore l’attendre des décennies.
– dans la série des 1972, j’ai préféré le TOKAJI ASZU ESZENCIA, MONYOK 1972.
Tout est grandiose et parfait dans ce vin. Il paraîtra trop jeune dans la suite de la
dégustation face aux crus les plus âgés.
– le très grand 1949 est un prélude à un trio d’anthologie. Les 1920, 1906 et 1857
atteignent des sommets quasi inégalés dans le domaine des vins liquoreux.
Chacun présente un style bien différent des autres. On est émerveillé par leurs
qualités: finesse, caractère, concentration, complexité… Les acidités sont toujours
extrêmement élevées et parviennent à équilibrer des teneurs en sucre résiduel
tout autant élevées. Les aspects minéraux ou iodés y rajoutent beaucoup de classe.
Les persistances aromatiques et gustatives sont parmi les plus longues qui soient.
Et leur tenue dans le temps ont de quoi sidérer les amateurs les plus avertis.
– je n’ai pu m’empêcher, en dégustant mon préféré de tous, le TOKAJI ASZU ESZENCIA,
COLLECTION ETAT 1906, de le comparer à deux géants reconnus du millésime:
Yquem et Château d’Arche Crème de Tête. Le souvenir que j’en ai est extraordinaire.
Mais je vois le Tokaji de ce millésime encore plus marquant.