8 MAI 2001
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LE MILLESIME 1961
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BRAISE D’ENFER 1961, CHASSELAS, DUBOIS, EPESSES, VAUD (**) Nez de noisette, ample, fin et complexe. On y ressent, au nez comme en bouche, un aspect d’eau-de-vie (coing) dû certainement à la richesse de la récolte. Vin dense avec beaucoup de gras, soutenu par l’alcool. Très complexe avec une longueur peu commune pour un Chasselas. Remarquable entrée en matière. VOSNE ROMANEE 1961 C. TOLLOT (***) Belle couleur rouge-rubis. Nez un peu violent au départ à cause du volatil. A l’ouverture, les petits fruits rouges se sont imposés. En bouche, le vin est soutenu par une acidité tonifiante. Le fruit, sur la fraise, est frais et remarquablement jeune. Avec plus d’ouverture, il est devenu un peu plus « charnu ». Vin resplendissant de par son fruit frais et de par la noblesse du cépage. NUITS-SAINT-GEORGES 1961, DOMAINE LEROY (*) Nez de fruit mûr, un peu rustique, côté cuir-animal, style vieux classique avec un boisé pas très net. En bouche, malgré un fruit mûr, l’acidité est dominante. On voudrait plus de volume dans le fruit, et l’alcool domine sur la structure du vin. GEVREY-CHAMBERTIN 1961, CAVE DES MOINES, NAUDIN-VARRAUT (****) Splendide couleur du pinot. Nez de grand volume et de race, bien qu’encore un peu fermé. Vin concentré et d’une fraîcheur de fruit étonnante. Grande personnalité aussi. Très très long. Il a le potentiel pour s’améliorer encore. C’est avec un vin comme celui-là qu’on ferait venir les gens au Bourgogne. CHATEAU LAFON ROCHET 1961, SAINT-ESTEPHE (**) Nez pur, fin, élégant, jeune, harmonieux, de la dentelle… Vin parfait dans son équilibre, le fruit est « cueilli au bon moment », il est encore jeune. Ce vin est tonique en finale, et n’a aucune lourdeur. Bordeaux classique, très bien vinifié pour l’époque. (il n’a aucun aspect phénolé) CHATEAU LA POINTE 1961, POMEROL (**) Couleur rouge-rubis sans vieillissement! Le nez est marqué par le fruit mûr de récolte, mais concentré, cela donne une note de nougat au départ, et tourne au fruit rouge très pur à l’ouverture. Belle personnalité aussi. Vin gras et riche, assez massif, mais l’acidité finale relève le tout. Très long. Semble avoir encore du potentiel de vieillissement. CHATEAU GAZIN 1961, POMEROL (****) Nez de velours, fruité et complexe, côté truffe blanche. Vin charnu mais sans lourdeur, malgré une grande concentration. Le fruit est dominant de début à la fin et garde une acidité citronnée dans sa très longue finale. Son équilibre occulte son âge. Vin de grande classe. CHATEAU CORBIN MICHOTTE 1961, SAINT EMILION (****) Couleur rouge-rubis même pas tuilé. Déjà suave et concentré au nez, plein et pur, on y ressent le raisin d’une récolte mûre et saine. Le volume du vin est impressionnant, les tanins sont puissants mais « enrobés » par l’onctuosité du fruit. Intemporel, car l’âge n’apparaît pas comme une composante du vin. Grand moment de plaisir. CHATEAU SAINT-GEORGES 1961, SAINT-EMILION (***) Nez très nature, avec le fruit mûr et sain, côté humus-champignon, dans la dentelle. Vin de fruit charnu en même temps que frais, tanins présents et acidité marquée, encore en phase d’évolution positive. La nature de base domine totalement la vinification. CHATEAU PAVIE-DECESSE 1961, SAINT-EMILION (*) Arômes mûrs, nougat, chocolat, très ample, le fruit de base semble ne pas avoir été le plus sain. Vin riche, massif, excellent à boire, mais déséquilibré par l’alcool. Remarquable vin, mais qui souffre de la comparaison avec ses congénaires. CHATEAU L’ARROSEE 1961, SAINT-EMILION (*) Nez très ample et riche, un peu brûlant d’alcool. Vin remarquable plus par sa puissance que par son équilibre, donc peu représentatif du millésime. CHATEAU CHEVAL BLANC 1961, SAINT-EMILION, EN MAGNUM (*****) Couleur rouge-rubis sombre, sans « tuile ». Au nez, le volume et la concentration montent de plusieurs tons par rapport aux précédents. Fruits noirs, réglisse, bois doux, … Très complexe et sans aspérité. Une classe et une race hors du commun. Le fruit est plein, avec une énorme densité, mais sans lourdeur, les tanins sont puissants mais enrobés avec suavité. Toutes les qualités sont là. Hormis le légendaire 1947 qui semble surclasser tout, le 1961 fait partie des grands millésimes du siècle de Cheval Blanc. CONCLUSIONS Cette dégustation a permis de constater que le millésime 1961, 40 ans après sa récolte se porte admirablement. Le chasselas du début a étonné de par sa structure de base. Son évolution est superbe, mais ne conviendrait pas aux gens peu habitués aux vins vieux. Deux Bourgogne se sont montrés excellents, et confortent dans l’idée que le pinot noir est certainement le plus beau mono-cépage. Dans cette région, le 1961 est fantastique. Cependant, pour moi, c’est à Bordeaux que ce millésime a fourni une qualité que beaucoup ont certainement raison de considérer comme la plus belle du 20ème siècle. Les 1961 ont effectivement une qualité extraordinaire dans tous les terroirs, et dans à peu près tous les châteaux. Dans les autres millésimes « du siècle », il n’y a pas une aussi grande homogénéité d’un château à l’autre. Ces vins ont une si belle matière première qu’ils en deviennent « intemporels ». L’âge ne les atteint pas, et il est difficile de leur en donner un, puisque le fruit est toujours en plénitude. Il y a plus, tous ces vins nous ouvrent leur « âme » sans détour. Ils étaient si bien nés que le fruit a transmis de manière parfaite les subtilités du terroir qui les a nourris. La vinification, déjà mieux soignée que dans les années 40, a simplement veillé à ce qu’il n’y ait pas de problème durant l’élevage. Il y a encore autre chose qui me paraît extrêmement important de souligner: ces vins issus d’une récolte très faible, donc très concentrés, n’ont aucune lourdeur et se boivent facilement. J’insiste souvent là-dessus, mais j’ai remarqué que les grands millésimes « modernes », presque autant concentrés que le 1961 (soit par une faible récolte, soit par d’autres moyens…!?) sont toujours plus lourds et riches en alcool. Dans ce cas, le fabuleux terroir de Bordeaux ne s’exprime plus pleinement, et on fait des vins aussi puissants que les vins non-européens. Question à poser aux Bordelais: est-ce la bonne voie? |